Rideau !

2010


Rideau ! - photogramme



Montage vidéo de 02 mn 36.

Quand l’amour a disparu
Quand le cœur s’en est allé
Du côté des jamais, plus jamais
On ne peut que regretter
L’amour envolé

Le montage de Rideau ! a consisté à faire disparaître d’un duo de danse des Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy le personnage de Solange Garnier que Françoise Dorléac interprète dans le film. Principalement éliminé par des effets de miroir agencés au sein de la composition des plans, il a été subtilisé à un clone de Catherine Deneuve qui, dans la séquence, évolue et chante à ses côtés.

L’œuvre se réfère implicitement à la mort prématurée de Françoise Dorléac dans un accident de la route, en juin 1967, quelques mois après la sortie du film. De cet été funeste, les paroles entonnées dans la séquence se font étrangement l’écho et l’usage des caches mobiles, ouvrant régulièrement de béances au sein de l’image, l’une des principales expressions métaphoriques.

Du passage de l’actrice, il ne reste en effet, sur un strict plan figuratif, que des traces fugitives. Plus qu’il n’est invité à les repérer, le spectateur est incité à se remémorer la performance de la jeune femme à travers la prestation de sa sœur Catherine Deneuve qui exécute dans la séquence pratiquement les mêmes gestes et les mêmes pas qu’elle. Malgré la duplication artificiellement créée par le montage, accentuant ironiquement le lien de gémellité qu’entretiennent dans le film les deux sœurs Garnier en renforçant leur ressemblance physique, l’œuvre brouille toutefois le rapport de symétrie. Loin de se contenter de mettre en place de simples jeux de miroirs, Rideau ! s’ingénie à opérer des effets de désynchronisation dans le numéro chorégraphique qui, en marquant une série de légers décalages entre les interventions de Catherine Deneuve, impliquent l’idée d’une dualité et restituent leur identité propre à chacune des jumelles. Pratiquement intacte malgré l’élimination intentionnelle d’un couplet entier de la chanson, la bande sonore joue sur la même ambiguïté en restituant la voix de la disparue.

Si le montage éprouve la capacité du spectateur à se remémorer l’œuvre, pointe sa faculté à la restituer en détails à travers les repères et les éléments d’appui que propose le montage, il aborde surtout la question du travail de deuil et la puissance du temps à effacer les blessures que la mort d’un être cher inflige. Tout en déplorant l’été disparu, la chanson des jumelles célèbre en effet la vie et invite le spectateur à en apprécier les plaisirs. S’ils camouflent par moments des pans entiers de l’image, les caches mobiles et les jeux de rideaux artificiellement mis en mouvement dans le montage, initient également des effets d’ouverture et découvrent des perspectives qui semblaient perdues. Un certain optimisme est ainsi à l’œuvre, invitant le spectateur à oublier ses tourments pour mieux se replonger dans le tourbillon de l’existence.

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