Freddy

2011


Bussy St Martin, Domaine de Rentilly



Chapeau Borsalino déposé sur la tête d’un statue.

L’une des statues du parc, représentant un discobole antique, a été coiffé d’un chapeau en feutre marron, créé pour l’occasion. Clairement anachronique, le détail vestimentaire propose une référence à l’accoutrement de Freddy Krueger dans les Griffes de la nuit (qui vient dans le film de Wes Craven, surprendre les dormeurs au cours de leur sommeil). A travers un détail emblématique du personnage, l’intervention met en relief l’altération de la main de la statue qui constitue une autre des caractéristiques du personnage et engage entre celui-ci et la figure sculptée, un processus d’assimilation.

La référence cinématographique induit une violence diffuse chez le discobole qui pointe toute la force canalisée dans la pose de la statue. Par là-même, elle interroge la perception de cette même énergie dans le cadre que construit le passage du Temps et des traces plastiques qu’il a laissées sur le corps de l’athlète (témoignant au contraire d’un certain immobilisme et passivité et d’une certaine fusion dans l’immensité du paysage).

La pose de l’athlète récupère à sa façon l’effet de basculement à 180° des images de l’installation consacrée à Marienbad et invite à reconsidérer, à travers l’une de ses figures caractéristique (une statue dans un parc, offrant un point de vue particulier sur le château), l’œuvre d’Alain Resnais et d’Alain Robbe-Grillet à travers le prisme du film de Wes Craven. Elle souligne à sa manière comment, au-delà de la menace d’endormissement que le film engage chez certains spectateurs par le sentiment d’ennui qu’ils lui prétendent provoquer, L’Année dernière à Marienbad peut être interprétée comme une sorte de cauchemar éveillé qui inflige à ses personnage une vraie violence, tout en les figeant dans une temporalité indéterminée.

Les éléments hétérogènes de la proposition marquent toute cette ambivalence, d’une énergie à la fois présente mais contenue, vive mais maîtrisée. A travers la combinaison de matériaux anciens et nouveaux, de références classique et contemporaine, elle place la statue dans une inscription temporelle ambivalente propre aux personnages de Marienbad mais également de manière plus générale à des fantômes prompts à se réveiller.

La figure défigurée de Freddy Krueger renvoie également à l’identité d’un des précédents propriétaires du domaine, Jacques Menier et à la vie prétendument dissolue et nocturne qu’il mena suite à son accident d’avion en 1917. Comme les photographies du gardien de la propriété et celles du château dans l’installation Overlook, elle active ainsi une dimension propre à l’histoire du lieu. De la souffrance morale et physique de Jacques Menier, l’installation interroge le devenir dans le cadre temporel de l’exposition Chambres Sourdes et de la nouvelle fonction du Domaine de Rentilly, ainsi que sa propension à marquer les lieux et à refaire surface à chaque instant.

Au-delà de ce cadre référentiel, on pourra penser plus largement à la figure du croque-mitaine, peuplant les terreurs d’enfants, et au destin funeste de Jack Torrance dans le labyrinthe de l’Hôtel Overlook en raison du réseau de référence à The Shinning de Stanley Kubrick que tisse la série d’installations Fêlures du paysage disséminées dans le parc et le Château.

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